Qu’est-ce que la pollution lumineuse
et comment restaurer la trame noire ?

Avec la crise énergétique qui nous touche actuellement, les économies d’électricité sont au cœur des débats et les collectivités sont plus sensibles à la question de l’éclairage nocturne, qui impacte directement leur facture.
Mais quid de la biodiversité dans ce tableau ?
Dans quelle mesure les écosystèmes qui nous entourent sont-ils affectés par la pollution lumineuse ?
Et quelles solutions pour y remédier et concilier ainsi lutte contre le changement climatique et préservation impérative de la biodiversité ?

L’éclairage nocturne a des impacts négatifs sur la faune, la flore et les écosystèmes

L’alternance du jour et de la nuit rythme les cycles biologiques depuis l’apparition de la vie sur la Terre. Alors que les espèces diurnes observent un temps de repos biologique dans l’obscurité, les espèces nocturnes se sont adaptées à la vie dans le noir et ont développé une vision de nuit performante. Les éclairages de plus en plus puissants bouleversent évidemment ces équilibres, qui sont le fruit de siècles d’évolution des espèces, non seulement dans leur fonctionnement propre, mais aussi dans leurs interactions.

Un phénomène bien connu dû aux éclairages nocturnes est leur effet d’attraction sur certains insectes, qui viennent s’agglutiner autour des sources de lumière. On parle de comportement photophile. La forte concentration d’insectes – qui sont à la base des chaînes alimentaires – en un même endroit attire leurs prédateurs, ce qui dérègle l’équilibre alimentaire dans les écosystèmes touchés.

A l’inverse, certains animaux comme le ver luisant fuient la lumière : ils sont dits lucifuges. Ils se retrouvent alors chassés de nombreuses zones qu’ils habitaient jusque-là, même dans les campagnes moins éclairées, car ils sont sensibles à de très faibles intensités lumineuses, au point pour certaines espèces de percevoir les différences de phases de la Lune. L’intensité lumineuse d’une nuit de pleine lune est de moins d’1 lux, soit 10 fois moins que le minimum requis par l’œil humain pour pouvoir se déplacer sans risque
, ce qui permet de se représenter ce niveau extrême de sensibilité.

La lumière modifie donc la répartition habituelle de ces animaux ; on voit alors apparaître des fragmentations dans les habitats lorsque l’impact est localisé, et même des déviations sur les parcours migratoires des oiseaux, dans le cas d’éclairages à plus grande échelle (une agglomération par exemple).

Les éclairages nocturnes perturbent par ailleurs l’horloge biologique de nombreuses espèces diurnes (qui se mettent alors à vivre également de nuit) et nocturnes (qui sont moins actives, et donc se nourrissent moins). Dans les deux cas, elles en sont fortement impactées. Ces perturbations peuvent même affecter leur physiologie : des études ont montré que chez certaines espèces, la réponse immunitaire s’en voyait diminuée
.

Les animaux ne sont pas les seuls touchés par ce phénomène : le cycle biologique des espèces végétales est lui aussi bouleversé par ces éclairages nocturnes. En effet, la plupart des plantes possèdent des capteurs qui les informent de la longueur du jour et déclenchent des phénomènes comme le bourgeonnement au printemps ou la perte des feuilles en automne. Leur cycle s’en retrouve complètement perturbé et déconnecté des saisons. Un bourgeonnement précoce peut être catastrophique, car si une période de gel s’ensuit, les bourgeons sont détruits et la floraison n’a pas lieu.

Au-delà de ces considérations par espèces, ce sont aussi l’ensemble des interactions au sein des écosystèmes qui sont impactées par ces changements de luminosité. La lumière nocturne a ainsi pour effet à la fois de faciliter la prédation des insectes photophiles par les insectivores et de perturber l’activité des autres insectes nocturnes. Il en découle une diminution du pouvoir de pollinisation de ces populations d’insectes, et donc de la capacité de reproduction des végétaux.

En résumé, il est désormais scientifiquement établi que la pollution lumineuse exerce une pression forte sur la faune et la flore et contribue significativement à l’érosion de la biodiversité. Il s’agit d’un enjeu majeur pour toute organisation qui souhaite agir pour enrayer le déclin du vivant.

Le tableau ci-dessous résume les différents impacts de la lumière sur la faune et la flore, en fonction de la longueur d’onde émise.

Lexique des termes employés dans le tableau :

  • Horloge circadienne = perception de l’alternance du jour et de la nuit
  • Horloge circannuelle = perception de l’alternance des saison
  • Phototactisme = mouvements dus à l’attraction ou la répulsion à la lumière

 

Aujourd’hui, quelle est l’ampleur du problème ?

Aujourd’hui, bien que la prise de conscience sur les impacts environnementaux des éclairages publics ait évolué, on observe encore une croissance de 6 % par an de la pollution lumineuse en Europe. Les aires protégées ne sont pas épargnées par ce phénomène, puisque l’obscurité y a régressé de 15 % en 20 ans.

Source : Observatoire National de la Biodiversité

Quelles solutions pour y faire face ?

Alors, comment peut-on agir pour réduire cette pollution lumineuse, et restaurer ce que l’on appelle la trame noire ?

L’OFB préconise des leviers d’action simples à mettre en œuvre pour les collectivités et les entreprises responsables de ces perturbations :

  • Eliminer ou réduire les éclairages inutiles, et les remplacer là où cela est possible par des solutions alternatives, comme la peinture photoluminescente.
  • Limiter le temps d’éclairage, et l’adapter en fonction des saisons.
  • Mettre en place des capteurs de mouvements, qui devront être correctement calibrés pour ne pas se déclencher au passage d’un petit animal.
  • Eviter les émissions lumineuses dans une direction supérieure à l’horizontale.
  • Ne pas éclairer les cours d’eau et les zones naturelles.
  • Augmenter l’écartement entre les lampadaires pour favoriser les passages de faune.
  • Opter pour des revêtements de sol avec un faible coefficient de réflexion de la lumière, ou tenir compte de ce coefficient dans le choix de la puissance d’éclairage.
  • Opter pour des températures de couleur chaudes : la lumière bleue est la plus néfaste pour la biodiversité, tandis que les tons ambrés sont moins nocifs.

Par ailleurs, des études portant sur la quantification de la pollution lumineuse sont en cours, et pourraient permettre à moyen terme de disposer d’indicateurs concrets pour mesurer l’efficacité de mesures de restauration de la trame noire.

Aujourd’hui, le cadre juridique impose déjà des restrictions sur les heures d’éclairage des bâtiments non résidentiels. L’arrêté ministériel du 27 décembre 2018
 leur impose l’extinction des lumières une heure après leur fermeture, ou à défaut à 1h du matin, et ce jusqu’à une heure avant leur réouverture. Cependant, ces mesures sont très peu respectées actuellement à cause d’un manque de surveillance de la part des autorités. Un réel engagement des pouvoirs publics est donc à espérer sur cette question.

En appliquant ces mesures, les sites d’entreprises sont en capacité de contribuer significativement aux enjeux soulevés par l’éclairage nocturne. Dans la grande majorité des cas, ces actions n’entravent en rien l’activité des entreprises. Elles sont même très souvent sources d’économies.

L’adaptation de leurs points lumineux peut ainsi répondre à des considérations de consommations énergétiques mais également de meilleure intégration à leur environnement, pour laisser plus de place au vivant…. et aux étoiles !


Vous souhaitez évaluer vos impacts sur la biodiversité nocturne et étudier comment adapter votre parc d’éclairage ? N’hésitez pas à 
solliciter nos conseils pour définir les actions appropriées et les mettre en œuvre.