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Accord de Kunming-Montréal : quels enjeux pour les entreprises à l’issue de la COP15 ?

Pour la première fois dans l’histoire, un véritable cadre de préservation et de restauration de la biodiversité est approuvé au niveau planétaire.
Quels enjeux maintenant pour les entreprises ? Nous décryptons ici en quoi l’accord de Kunming-Montréal les concerne au premier chef, et comment elles peuvent s’en saisir. Partons donc ensemble à la découverte de l’entreprise COP15.

Une genèse douloureuse

Voilà plus de deux ans que nous l’attendions ! Annoncée pour octobre 2020 à Kunming en Chine puis repoussée à maintes reprises en raison de la crise sanitaire, la COP15 Biodiversité a fini par se tenir à Montréal, siège de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), tout en restant sous présidence chinoise.

A l’arraché mais dans les temps, les 196 parties à la convention (195 Etats + UE) ont signé un accord reconnu comme historique par les observateurs, le comparant à l’Accord de Paris conclu en 2015 lors de la COP21 pour le climat.  

Le texte, consultable sur le site de la CDB, comprend 23 objectifs à déployer d’ici à 2030 afin que l’humanité puisse « vivre en harmonie avec la nature » d’ici à 2050. Chaque État doit désormais les transposer en stratégie nationale et les décliner par des mesures concrètes, qui feront l’objet d’un premier suivi lors de la COP16 en Turquie en 2024.

En France, il devrait en découler dès 2023 une nouvelle Stratégie Nationale Biodiversité. L’attendre pour agir serait une erreur majeure, tant le calendrier est serré.

Plutôt que de nous atteler à un énième décryptage général de l’accord, à ses mesures emblématiques et à ses lacunes évidentes, nous avons souhaité en faire une analyse du point de vue de l’entreprise : quelles implications, quels défis, quelles opportunités ?
 

L’omniprésente absence des entreprises

Vecteur économique des activités humaines, les entreprises façonnent le monde. Décriées ou louées pour leurs pratiques, elles ne peuvent plus échapper à leurs responsabilités sociétales, au premier rang desquelles se trouvent, dans un monde fini, l’usage « responsable » des ressources.

On pourrait dès lors s’étonner de ne trouver le terme « entreprise » (Business) que dans un unique objectif (cible 15) sur les 23. Derrière cette apparente absence se cache une autre réalité : la plupart des objectifs auront un impact majeur sur les entreprises, qui constitueront dans le même temps l’un des principaux leviers pour les atteindre.

Alors, à quoi vont ressembler les entreprises qui s’approprieront l’accord de Kunming-Montréal ? Nous dessinons pour vous les contours de l’entreprise COP15, engagée pour vivre en harmonie avec la nature.

En route pour l’entreprise COP15 !

Des entreprises conscientes et proactives

Tout d’abord, l’entreprise COP15 sera tenue d’évaluer et rendre publics ses impacts et dépendances vis-à-vis de la biodiversité. Cette obligation de reporting s’appliquera aux grandes entreprises et institutions financières. Le choix des mots a été critique dans la rédaction de cette cible 15, comme nous l’explique Business for Nature, qui en avait fait son cheval de bataille.

Soit dit en passant, pour nos lecteurs européens, la directive européenne CSRD adoptée il y a quelques semaines ne laisse quant à elle aucune place à l’interprétation : cette obligation y concernera les entreprises de plus 250 salariés dès 2024.

La cible 15 demande également et explicitement aux entreprises de réduire progressivement leurs impacts négatifs et d’augmenter leurs impacts positifs sur la biodiversité et les services écosystémiques. Tout un programme donc… qui peut s’appuyer sur de nombreuses autres cibles de l’accord.

 Les entreprises sont ainsi percutées tout au long du texte sans jamais être nommées.

Des entreprises touchées au cœur de leurs opérations

D’un point de vue opérationnel, les entreprises devront réduire drastiquement leurs impacts négatifs liés aux pollutions (cible 7). Sont citées explicitement les pollutions plastiques et chimiques, produits dont elles devront réduire l’usage. Cela concernera ainsi quasiment toutes les entreprises dans leurs opérations directes ou leurs chaînes d’approvisionnements. Le monde agricole et les industries agroalimentaires seront soumis à des objectifs spécifiques visant d’ici à 2030 la réduction de moitié des risques liés aux excès de nutriments (engrais) et à l’utilisation des pesticides. Il s’agit là d’une reconnaissance mondiale de la nécessité de transformer les modes de production.

Les entreprises du vivant (cible 10), nommément l’agriculture, l’aquaculture, la pêche et la sylviculture, devront par ailleurs opérer de manière durable en augmentant substantiellement le recours à des pratiques respectueuses de la biodiversité.

Nombre d’entreprises encore devront trouver des modèles alternatifs pour compenser la perte de financement impliquée par la réduction de subventions, considérées comme nuisibles à la biodiversité, à hauteur de 500 milliards de dollars par an, entre 2025 et 2030 (cible 18).

Les professionnels de la construction, du bâtiment, de l’aménagement, également grands pourvoyeurs de changement d’usages des sols, devront eux aussi être à la manœuvre. Ils seront les acteurs de la réintroduction de la nature en ville, dont l’augmentation devra être significative (cible 12) reconnaissant ainsi les multiples bienfaits du retour de la biodiversité en milieu urbain.

Enfin, prenant le texte au pied de la lettre, il ne sera plus possible de faire ce que l’on veut n’importe où ! Ceci grâce à l’objectif emblématique, défendu par la France, de mise sous protection de 30% des terres et des mers du globe. Cette cible 3 sera particulièrement scrutée, tant son effectivité dépendra des niveaux de protections associés.

Des entreprises sommées de revoir leurs offres

Au travers de la cible 16, qui demande de veiller à ce que les citoyens soient encouragés et en capacité de faire des choix de consommations durables (notamment au travers des enjeux de surconsommation, de gaspillage ou des déchets), les entreprises sont sommées de revoir leurs approches marketing, qui devront coller aux défis supranationaux de préservation de la nature. Une petite révolution en soit qui doit amener à un changement radical de notre rapport à la consommation.

Des entreprises actrices des gains de biodiversité

D’ici à 2030, 30% des terres et mers dégradés de la planète devront être en cours de restauration écologique effective (cible 2), afin de générer des gains de biodiversité et d’en améliorer les services écosystémiques associés. Les entreprises, si promptes à procéder à de la compensation carbone souvent dénoncée pour son manque de rigueur et ses dommages collatéraux sur la biodiversité, n’ont aucune raison de se tenir à l’écart de cette ambition.

Il s’agit même d’une opportunité majeure de donner de la cohérence à leurs actions environnementales, car toute action de restauration écologique est bénéfique pour le climat. Elles pourront d’ailleurs s’appuyer, pour comptabiliser leurs contributions  positives, sur la mise en place de mécanismes innovants tels que les crédits ou certificats biodiversité, ou encore les paiements pour services écosystémiques, portés par la cible 19 dédiée aux financements.

La nature reconnue comme solution

Il est important de souligner que si le texte vise à préserver la nature et ses bénéfices, il la reconnaît également et sans équivoque comme un moyen d’arriver à nos fins.


La lutte contre le changement climatique et l’acidification des océans (cible 8), mais également le maintien et l’amélioration des services de régulation (air, eau, santé du sol, pollinisation, risque de maladie – cible 11) nécessitent clairement de s’appuyer sur des solutions fondées sur la nature.

Des techniques et approches qu’il va falloir démocratiser pour que les entreprises s’en saisissent pleinement, et une réponse en creux aux défenseurs du tout-technologie, sur lesquels ne saurait reposer le devenir de la planète.

Un cahier des charges pour bâtir sa stratégie biodiversité

« Vivre en harmonie avec la Terre mère » (cible 16) : ce n’est pas de la poésie, mais bien l’objectif global de l’accord de Kunming-Montréal qui nous implique tous, et pour lequel les entreprises ont donc un rôle central de transformation.

Sous bien des aspects, le texte se révèle être un véritable cahier des charges pour transformer les pratiques et le fonctionnement des acteurs économiques et leur permettre de construire une stratégie biodiversité en ligne avec les engagements internationaux.

Nul doute que les entreprises seront, elles aussi, jugées à l’aune de leurs contributions aux objectifs de l’accord de Kunming-Montréal.

Malgré les imperfections de celui-ci, nous encourageons donc vivement les dirigeants et responsables RSE à engager sans attendre la transformation de leurs structures en véritables « entreprises COP15 » !

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